Smart Cities Faisabilité démontrée: une ville peut récolter à la volée des informations sur son environnement urbain, sans casser sa tirelire et en utilisant des solutions régionales ou suisses. C’est ce que montre le projet scientifique FRI-IoTnet – FRI pour Fribourg, et IoTnet, pour internet des objets – qui vient de s’achever. En deux ans, les villes de Fribourg et de Bulle ont ainsi mis un pied dans l’univers des Smart Cities et des objets connectés: elles peuvent observer à distance leur trafic routier, le bruit ainsi que la qualité de l’air. Un site web trilingue, friiotnet.tic.heia-fr.ch, permet au public de visualiser ces données.

Plus de 70 collaborateurs issus de neuf entreprises partenaires et de ces deux villes pilotes ont pris part à ce projet, ainsi que deux instituts de la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (Systèmes intelligents et sécurisés, et Energy). Budget: 240 000 francs, dont 150 000 francs financés par la Nouvelle politique régionale (NPR), qui promeut de telles collaborations. Les entreprises ont financé le solde. Tour d’horizon de ce projet tentaculaire.

Pollution Deux bus des Transports publics fribourgeois ont été équipés de capteurs de particules fines made in Zurich, placés à l’avant de la cabine. Un bus circule sur les lignes 1, 2, 3, 5 ou 6 à Fribourg, et un sur les lignes Mobul 201, 202 ou 203 à Bulle. «Les mesures sont géolocalisées grâce à une balise conçue par Franic SA, basée à Léchelles. Elles sont transmises toutes les minutes», explique l’initiateur et chef de projet, Jacques Robadey, professeur en filière Informatique et système communication de la HEIA-FR.

Trafic Quatre caméras à infrarouge FLIR ont été positionnées sur des candélabres ou des bâtiments, avec le concours de GESA et de Groupe E Connect, le fournisseur de cet équipement. Deux sont à Fribourg (Pérolles et Arsenaux), une à Bulle (route de Riaz) et une à Matran sur le parking de Groupe E Connect. Ces caméras balaient chaque voie, comptent les véhicules, les catégorisent (poids lourds, voitures ou deux-roues) et mesurent leur vitesse. Leurs données sont transmises tous les quarts d’heure.

Bruit Le projet a recouru à trois sonomètres conçus par IAV, société issue du laboratoire d’acoustique de l’EPFL. Quinze endroits ont été étudiés durant une semaine chacun, les capteurs étant positionnés aux abords, à 40 mètres et à 100 mètres des routes, à Fribourg et à Bulle.

Réseau Pour transférer ces données par les ondes, la HEIA-FR a choisi la technologie LoRa (long range). «C’est une technologie appartenant à Semtech, société présente à Neuchâtel. Peu coûteuse, elle permet d’utiliser des émetteurs de très faible puissance, donc peu gourmands. Le débit est faible mais suffisant. Et il n’y a pas besoin de licence d’exploitation», explique le chef de projet. Un réseau de transmission LoRa dédié aux communes, donc privé, a été créé de toutes pièces, avec 7 antennes conçues par Wifx, à Yverdon-les-Bains. Leur portée atteint 11 km sans obstacle, ou 3 km en milieu bâti. Ces «passerelles» relaient les données des capteurs à un serveur via internet.

Trois antennes ont d’abord été installées à Fribourg, sur la HEIA-FR, l’HFR et la caserne des pompiers à la route de l’Aurore. Pour combler des «trous» de couverture, deux autres ont été posées à l’hôpital des Bourgeois et aux feux de Beaumont. Une antenne est à Matran. A Bulle, une seule a suffi, sur l’Hôtel de Ville. «Il est possible d’étendre ce réseau privé selon les besoins, en ajoutant des antennes. Pas sûr que les opérateurs qui louent leur réseau LoRa aient nécessairement cette flexibilité», note Jacques Robadey.

Coût Le budget dédié au matériel du réseau s’élevait à 25 000 francs, plafond fixé par la NPR. De fait, il aura coûté 13 500 francs, auxquels s’ajoutent 2500 francs annuels de maintenance. «Comparaison faite, un réseau LoRa loué à un opérateur se révèle plus coûteux», estime Jacques Robadey. Le prix des capteurs installés, lui, s’élève à environ 700 francs pour le bruit, 1500 francs pour les particules fines et 6000 francs par caméra. Les trois services cumulés, sans le réseau, auraient nécessité 31 000 francs d’investissement si tous les capteurs avaient été achetés, et 2500 francs annuels de maintenance.

Site La HEIA-FR, avec Softcom (Granges-Paccots), a mis sur pied un site qui permet de visualiser les données en temps réel, sous forme de cartes interactives et de graphiques. Le site donne aussi à voir le trafic journalier moyen détaillé, de 2000 à 2021, pour 33 points de mesures effectuées hors projet par le Services de la mobilité de Fribourg. Les axes routiers sont colorés en fonction de leur charge de trafic.

Bilan «Le déploiement à la demande de ce réseau et des services, au niveau technique et financier, est un succès, résume Jacques Robadey. On peut le transposer dans d’autres villes, et même à l’échelle du canton. Mais cela relève de décisions politiques.» En attendant, FRI-IoTnet a déjà inspiré une vingtaine de projets d’école. A Fribourg, un service supplémentaire a été développé pour visualiser les points critiques de ramassage des vieux papiers. Autre projet: une application pourra proposer aux piétons ou aux cyclistes des itinéraires où la qualité de l’air et du bruit ne laisse pas à désirer. Ces recherches permettront de développer l’infrastructure de FRI-IoTnet durant 36 mois encore. «On pourrait aussi utiliser l’infrastructure pour le contrôle des moloks, des canalisations d’eau ou de la chaleur à distance. Il y a un grand potentiel», résume Jacques Robadey.