Hôpital fribourgeois  Dire «je vais vous faire une prise de sang», plutôt que «je vais vous piquer». «Vous allez sentir une fraîcheur agréable» plutôt que «ça va être froid». Si le geste annoncé reste le même, l’effet des mots sur le patient est bien différent. Depuis plusieurs mois, des infirmières de l’Hôpital fribourgeois (HFR), toutes praticiennes en hypnose, dispensent des présentations sur la communication thérapeutique, un des outils de l’hypnose. Depuis le mois de mai 2017, leur hiérarchie leur a accordé un 90% (à trois) pour former leurs collègues à cette technique.

«C’est un outil dont tout le monde peut se servir simplement et qui fait une grande différence pour la gestion de l’angoisse et de la douleur», relève Caroline Pelloni, infirmière en anesthésie, à l’origine de la démarche avec ses collègues Brigitte Andrey et Brigitte Hilber. «Nous remettons ainsi les patients au centre. Le but est de leur amener du confort, de la sécurité et de la confiance dans ces moments souvent très angoissants», ajoute Brigitte Andrey, infirmière aux soins intensifs. Faire diminuer le stress des personnes soignées permet aussi de faire baisser celui des soignants, ont pu constater les praticiennes.

Formations à l’interne

Regarder le patient, lui sourire, lui serrer la main en arrivant: les conseils peuvent sembler évidents, mais constituent un bon rappel. Pris dans le tourbillon du quotidien et les nombreuses tâches à accomplir en toujours moins de temps, on a vite fait d’oublier ces bons principes. Au début de leur présentation, les praticiennes en hypnose passent un petit film qui cumule toutes les choses à ne pas faire. Soignants qui ne regardent pas le patient, lui posent les mêmes questions à de multiples reprises, discutent d’un autre cas sans se soucier de lui, l’appellent «la hernie du docteur Dupont» plutôt que par son nom… Un contre-exemple radical qui fait sourire ceux qui suivent la formation, mais comprend aussi sa part de réalité.

«Dans notre cursus, on nous disait qu’il fallait informer le patient de tout ce que nous faisions, mais finalement ça entraîne plus de stress. Nous aimerions faire de la communication thérapeutique une culture de service, car ça change vraiment les prises en charge: le patient est plus détendu, le médecin aussi, tout le monde y gagne», estime le Dr Yvan Fleury, médecin au service des soins intensifs.

Plus de 200 collaborateurs de l’HFR ont déjà suivi la formation dispensée par les praticiennes en hypnose. Elles reçoivent également des demandes de personnes de l’extérieur. «Nous avons commencé dans nos services et ensuite ça a été étendu au département, puis à l’hôpital entier. La formation fait désormais partie des cours de base des nouveaux assistants. Nous aimerions que ça devienne la seule façon de communiquer», explique Brigitte Andrey.

Un «outil doux»

Cet «outil doux» se veut complémentaire à d’autres moyens thérapeutiques plus classiques, comme les médicaments. «Pour calmer la douleur, il faut souvent une prise en charge multimodale, et la communication thérapeutique s’intègre là-dedans. Nous avons eu des retours très positifs de patients, c’est encourageant», estime le Dr Fleury.

Avec la communication thérapeutique, le malade a un rôle actif. «Les patients restent maîtres d’eux, il ne s’agit pas d’hypnose de spectacle où on peut leur faire faire n’importe quoi ensuite. Nous accompagnons les patients pour les aider à trouver en eux des ressources difficiles à mobiliser quand on se trouve en état de stress. Nous leur proposons par exemple de penser à un endroit agréable, de s’imaginer là-bas», évoque Caroline Pelloni.

L’hypnose et ses techniques font leur chemin dans le monde hospitalier. Un grand projet de formation à la communication thérapeutique a été lancé l’an dernier aux Hôpitaux universitaires de Genève. «Notre objectif est que 100% du personnel de l’HFR soit formé à la communication thérapeutique. Nous sommes aussi en discussion avec la Haute Ecole de santé pour qu’ils l’incluent dans un module», conclut Brigitte Andrey.