Formation  Prix de la meilleure maturité gymnasiale, Journée du bilinguisme, enseignement bilingue: Fribourg n’est pas en reste pour favoriser l’apprentissage de la langue de Goethe. Et les jeunes du canton y répondent positivement. Les élèves fribourgeois ont d’ailleurs détenu durant de nombreuses années le record du nombre d’échanges linguistiques en Suisse pour le degré du cycle d’orientation, avec notamment 385 Fribourgeois partis l’an dernier dans les cantons alémaniques, seuls ou avec leur classe. Cette année, Fribourg est cependant détrôné par le canton du Valais.

En 1982 déjà, lors du premier échange scolaire intercantonal, les deux seuls participants sont un Fribourgeois et un Soleurois: «Fribourg est un pionnier dans le domaine. C’est d’ailleurs le premier canton à avoir mis sur pied un bureau de coordination des échanges scolaires», relate Bernard Dillon, ancien responsable dudit bureau.

SOS famille d’accueil

La 12e année linguistique, soit la répétition de la dernière année d’école obligatoire dans une autre langue, est particulièrement appréciée par les Fribourgeois: «Chaque année, environ deux cents élèves du canton vont apprendre l’allemand ou le suisse allemand», indique Bernard Dillon. Selon le coordinateur, cet engouement serait tel que certains élèves ne trouvent pas de place dans une famille.

Pour chaque 12e année linguistique, le canton de Fribourg verse annuellement un montant au canton partenaire. ­Selon la Direction de l’instruction, de la culture et du sport (DICS), Fribourg a, en 2016, versé 18 000 francs par élève au canton partenaire. Ce sont donc plus de 1,24 million de francs qui ont été dépensés au total par l’Etat. Concernant les recettes, près de 545 000 francs seulement ont été empochés, en ­raison du nombre restreint d’élèves alémaniques désirant apprendre le français.

Mais cette différence ne creuse-t-elle pas un trou dans les finances de l’Etat? Marianne Meyer Genilloud, conseillère scientifique à la DICS, dément: «Les financements pour ce type d’échanges scolaires sont régis par la convention scolaire régionale concernant l’accueil réciproque d’élèves et le versement de contributions. Cela fait partie d’un budget global qui s’équilibre à la fin de l’année.»

Un réflexe à inculquer

Depuis 2017, l’agence nationale Movetia gère les échanges linguistiques nationaux et internationaux pour tous les degrés scolaires en Suisse. Le montant annuel dont dispose l’agence pour le financement de la mobilité varie pour les échanges en Suisse ou à l’étranger. Si un budget de 26 millions est prévu pour les échanges internationaux, seuls 400 000 francs sont alloués aux échanges intercantonaux, soit soixante-cinq fois moins. Pour Olivier Tschopp, directeur de l’agence, ceci s’explique par le fait que les cantons contribuent également au financement des échanges en Suisse.

Or les priorités et compétences cantonales dans ce domaine sont très hétérogènes, notamment en ce qui concerne la différence de budget alloué par chaque canton pour les échanges. «Les cantons bilingues et excentrés sont plus touchés par cette thématique et, de facto, mieux organisés. Mais les différences budgétaires sont aujourd’hui trop importantes, comme avec certains cantons qui font très peu pour promouvoir la mobilité», remarque Olivier Tschopp.

Cette situation serait-elle une nouvelle fois le reflet de l’aversion des concitoyens alémaniques à l’égard du français? Bernard Dillon n’est pas aussi pessimiste: «La ville de Zurich propose dans trois de ses collèges des filières de maturité gymnasiale avec mention bilingue, allemand-français.»

Mais pour le directeur de Movetia, il faut aller plus loin: «Les échanges linguistiques doivent devenir un réflexe. Il faut mettre le capital plurilinguistique de la Suisse en avant et rendre les langues attractives.» L’objectif est ainsi de créer à terme une culture des échanges et de la mobilité dès l’école obligatoire. Selon Olivier Tschopp, outre l’apprentissage pur et simple des langues, les programmes de mobilité de Movetia sont un excellent moyen de renforcer la cohésion nationale.

Parler européen

Entre 2010 et 2013, d’après les statistiques de la Fondation CH, une hausse des séjours linguistiques en Europe est notable. Or la situation s’inverse dès 2014. Les récents événements terroristes auraient-ils eu raison de la mobilité effrénée des étudiants suisses? Selon Jerry Krattiger, directeur du siège suisse de l’association YFU qui organise des échanges interculturels dans le monde, la mobilité est restée stable: «C’est une nouvelle réalité. Dans un monde globalisé, chacun est exposé au risque et les étudiants ainsi que leurs parents en sont conscients.»

Depuis de nombreuses années, YFU adopte un protocole de sécurité pour gérer les situations de crise: «Nous n’hésitons pas à prendre les mesures nécessaires et de diligence afin d’assurer la sécurité des échanges. Par exemple, le Venezuela a été retiré du programme d’échange à cause de l’instabilité politique», souligne Jerry Krattiger. Une légère baisse de demandes pour la France aurait tout de même été mesurée par l’association cette année. Impossible cependant de certifier des liens de cause à effet selon le directeur de YFU.

Pour Olivier Tschopp, la votation du 9 février 2014 a en quelque sorte accéléré le processus visant à trouver une solution dans le but de mieux coordonner les échanges et la mobilité, notamment ceux avec l’Europe: «Sans une stratégie nationale et une prise de conscience politique, la Suisse aurait pu manquer le train de la mobilité et se retrouver davantage isolée», explique Olivier Tschopp.

Les jeunes Fribourgeois qui ont fait un échange ­linguistique en 2016 dans un canton alémanique

En francs, le montant versé par l’Etat de Fribourg aux cantons alémaniques accueillant ses élèves

Le montant dont dispose l’agence nationale Movetia pour soutenir les échanges intercantonaux